Le concept comprend un partage autour du monde de la truffe. Mme Dambreuse était auprès du feu, une douzaine de personnes formant cercle autour d’elle. Il lui apprenait des nouvelles de ses amies : Mme de Rochegune, Mme de Saint-Florentin, Mme Lombard, toutes étant nobles comme à l’hôtel Dambreuse. Mme Dambreuse les recevait tous avec grâce. Rendez-moi quatre sous ! Deux valets se précipitèrent sous la marquise, et un troisième, au haut de l’escalier, se mit à marcher devant lui. Puis deux grands yeux noirs, qui n’étaient pas dans le bal, parurent ; et légers comme des papillons, ardents comme des torches, ils allaient, venaient, vibraient, montaient dans la corniche, descendaient jusqu’à sa bouche. Quant au Chupé ordinaire ou national, c’est une soupe claire dans laquelle nagent des morceaux de mouton ou de bœuf, des Pommes de terre ou des oignons. Elle demeurait en contemplation devant ces effigies de Dieux et de Déesses matérielles et sacrées : les Isis sereines et pacifiques, les Junons superbes, altières et viriles, les Minerves imposantes portant la majesté dans le pan de leur robe, les Vénus à la peau de marbre, polies et caressées comme par le baiser d’amour des siècles, le pêle-mêle des immortelles de l’Olympe et des impératrices de l’empire, souvent représentées presque divinement nues, comme Sabine, la femme d’Adrien, arrêtant chaque visite de Mme Gervaisais à son corps tout enveloppé d’une étoffe mouillée qui l’embrasse, le baigne et le serre, en se collant à tous ses membres, le voile de marbre, de la pointe des seins qui le percent de leur blancheur, glisse en caresse sur le dessin de la poitrine et la rondeur du ventre, s’y tuyaute et s’y ride en mille petits plis liquides qui de là vont, droits et rigides, se casser à terre, tandis que la draperie, presque invisible, plaquant aux cuisses, et comme aspirée par la chair des jambes, fait dessus de grands morceaux de nu sur lesquels courent des fronces, des plissements soulevés et chiffonnés, des méandres de remous dans le courant brisé d’une onde.
Madame répondit qu’elle espérait sa visite pour le lendemain. L’autre jura qu’elle « rentrait du marché ». La vieille dame de Sommery avait un rhume, Mlle de Turvisot se mariait, les Montcharron ne reviendraient pas avant la fin de janvier, les Bretancourt non plus, maintenant on restait tard à la campagne ; et la misère des propos se trouvait comme renforcée par le luxe des choses ambiantes ; mais ce qu’on disait était moins stupide que la manière de causer, sans but, sans suite et sans animation. Puis on déplora l’immoralité des domestiques, à propos d’un vol commis par un valet de chambre ; et les cancans se déroulèrent. Elle peut par exemple constituer un bon accompagnement pour un filet de bœuf. Et elle le regardait d’une façon câline, presque amoureuse. Il y avait là, cependant, des hommes versés dans la vie, un ancien ministre, le curé d’une grande paroisse, deux ou trois hauts fonctionnaires du gouvernement ; ils s’en tenaient aux lieux communs les plus rebattus. Un homme, habillé d’une sale redingote à collet de fourrure, entra brusquement. Aucune des deux n’avait de monnaie, Frédéric en offrit. La femme artiste n’avait pas de temps à perdre, devant, à six heures juste, présider sa table d’hôte ; et elle haletait, n’en pouvant plus.
Victoire ; dans huit jours voulez-vous être ma femme ? Retirer le lard ; faire colorer le poulet dans le même beurre ; le mettre ensuite dans une cocotte ovale, avec : les tranches de lard ; 400 grammes de pommes de terre, tournées en bouchons, émincées et sautées avec le beurre du poulet. 1o Marquer en cuisson un litre de haricots blancs ; saler à raison de 4 grammes au litre d’eau et ajouter : la garniture ordinaire, 3 gousses d’ail, 300 grammes de couennes fraîches, blanchies et attachées en paquet. Cette réception, ce grand dîner, tout cela l’enchante. Frédéric lui demanda si elle ne viendrait pas cette année à la Fortelle. Dès qu’on parlait d’un malade, elle fronçait les sourcils douloureusement, et prenait un air joyeux s’il était question de bals ou de soirées. Il se sentait quelque peu étourdi, comme un homme qui descend d’un vaisseau ; et, dans l’hallucination du premier sommeil, il voyait passer et repasser continuellement les épaules de la Poissarde, les reins de la Débardeuse, les mollets de la Polonaise, la chevelure de la Sauvagesse. Des tableaux dans la manière de l’Espagnolet étaient appendus au mur ; les lourdes portières en tapisserie tombaient majestueusement ; et les fauteuils, les consoles, les tables, tout le mobilier, qui était de style Empire, avait quelque chose d’imposant et de diplomatique.
Quand elle reparut, elle avait les pommettes rouges et elle s’assit dans un des fauteuils, sans parler. Derrière l’enfant sautant les marches, elle monta le petit escalier de marbre à carreaux noirs et blancs, éclairé de baies à jour où le soleil passait à travers des fleurs dans des pots. Et, comme elle tournait sur ses talons, elle faillit écraser un des petits chiens. Et, lisant à demi-voix le cahier, Rosanette faisait des observations sur chaque article. Enfin Rosanette parut, enveloppée dans une sorte de peignoir en mousseline blanche garnie de dentelles, pieds nus dans des babouches. Mettre le plat dans un autre et servir. Frédéric n’entendit rien, ne vit rien ; Rosanette s’était précipitée dans la chambre, à sa rencontre. Rosanette alla prendre dans un tiroir dix napoléons. Et il resta seul dans la salle à manger. Je vous les rendrai, dit la Vatnaz, en fourrant les quinze francs dans son sac. D’abord, elle retira de son cabas une chaîne de montre avec un papier, puis différents objets, des acquisitions. Mais une bise âpre, glacée, soufflant par moments, couchait les petites flammes toutes à la fois, en éteignait çà et là, et secouait lamentablement les grandes grappes lumineuses. Le vent chaud arrivant par la porte, faisait fumer le quinquet.