Au moment où, à cette époque, un passionné déboursa 12 mille euros pour acheter une truffe d’un kilogramme au marché mondial des truffes à Alba, au Nord de l’Italie, les ramasseurs tunisiens de truffes à Tataouine, dans les régions arides du Sud tunisien, ont récolté une truffe des sables exceptionnelle pesant 2,7 kg. Quel coup puis-je sentir, à quelle affection puis-je répondre, quand je vois sur la terrasse Jacques immobile dont la vie ne m’est plus attestée que par ses deux beaux yeux agrandis de maigreur, caves comme ceux d’un vieillard, et dont, fatal pronostic ! Je correspondis avec madame de Mortsauf, à qui j’envoyais mon journal toutes les semaines, et qui me répondait deux fois par mois. Dans les salons, je me trouvais l’objet d’une attention gênante, car la modestie de la vie a des avantages qui, une fois éprouvés, rendent insupportable l’éclat d’une mise en scène constante. De cette sphère supérieure, l’histoire à la fois romanesque et simple d’un jeune homme qui adorait pieusement une femme belle sans public, grand dans la solitude, fidèle sans l’appui du devoir, se répandit sans doute au cœur du faubourg Saint-Germain ? De là les beautés particulières aux femmes de ce pays : cette exaltation d’une tendresse où pour elles se résume nécessairement la vie, l’exagération de leurs soins pour elles-mêmes, la délicatesse de leur amour si gracieusement peinte dans la fameuse scène de Roméo et de Juliette où le génie de Shakspeare a d’un trait exprimé la femme anglaise.
Cette alternative, jointe au dédain constant auquel les mœurs l’habituent, fait d’une femme anglaise un être à part dans le monde. Les Anglais offrent ainsi comme une image de leur île où la loi régit tout, où tout est uniforme dans chaque sphère, où l’exercice des vertus semble être le jeu nécessaire de rouages qui marchent à heure fixe. Elle voulait du poivre, du piment pour la pâture du cœur, de même que les Anglais veulent des condiments enflammés pour réveiller leur goût. Les fortifications d’acier poli élevées autour d’une femme anglaise, encagée dans son ménage par des fils d’or, mais où sa mangeoire et son abreuvoir, où ses bâtons et sa pâture sont des merveilles, lui prêtent d’irrésistibles attraits. Tirer & continuer son fil, Deducere fila. On se redit, pendant un mois, la phrase de Lamartine sur le drapeau rouge, « qui n’avait fait que le tour du Champ de Mars, tandis que le drapeau tricolore », etc ; et tous se rangèrent sous son ombre, chaque parti ne voyant des trois couleurs que la sienne et se promettant bien, dès qu’il serait le plus fort, d’arracher les deux autres.
Vie obscure et pleine, semblable à ces endroits touffus, fleuris et ignorés, que j’avais admirés naguère encore au fond des bois en faisant de nouveaux poëmes de fleurs pendant les deux dernières semaines. En marchant aujourd’hui, seule et affaiblie, entre les deux jeunes mélancolies qui m’accompagnent, je suis atteinte par un invincible dégoût de la vie. Jamais un peuple n’a mieux préparé l’hypocrisie de la femme mariée en la mettant à tout propos entre la mort et la vie sociale ; pour elle, aucun intervalle entre la honte et l’honneur : ou la faute est complète, ou elle n’est pas ; c’est tout ou rien, le to be, or not to be d’Hamlet. Les sentiments courent toujours vifs dans ces ruisseaux creusés qui retiennent les eaux, les purifient, rafraîchissent incessamment le cœur, et fertilisent la vie par les abondants trésors d’une foi cachée, source divine où se multiplie l’unique pensée d’un unique amour.
D’immenses richesses, la naissance dans une famille qui depuis la conquête était pure de toute mésalliance, un mariage avec l’un des vieillards les plus distingués de la pairie anglaise, tous ces avantages n’étaient que des accessoires qui rehaussaient la beauté de cette personne, ses grâces, ses manières, son esprit, je ne sais quel brillant qui éblouissait avant de fasciner. C’est une pauvre créature, vertueuse par force et prête à se dépraver, condamnée à de continuels mensonges enfouis en son cœur, mais délicieuse par la forme, parce que ce peuple a tout mis dans la forme. « Quand toute ma force enveloppait mes enfants, m’écrivait-elle ; pouvais-je l’employer contre monsieur de Mortsauf et pouvais-je me défendre de ses agressions en me défendant contre la mort ? César d'Estrées, né en 1628, mort en 1714, fils cadet d'Annibal, fut de bonne heure évêque de Laon et fut fait cardinal en 1674 : par son caractère conciliant, il travailla à pacifier l'Église, et par son esprit il mérita d'être reçu membre de l'Académie. Il existait sous son nom 42 livres sacrés, confiés aux prêtres seuls, qui contenaient toute l'encyclopédie religieuse et scientifique des premiers temps de l’Égypte.